En juillet 2014, j’écoutais souvent Songs For Drella de Lou Reed et John Cage, que j’avais redécouvert en vinyle chez Kevin à Belair Records.
Je n’avais pas encore complètement saisi la beauté de cette œuvre avant cette redécouverte. Les chansons me marquaient considérablement et leurs paroles également.
En particulier ce dialogue imaginaire entre Lou Reed et Andy Warhol, non dénué d’humour :
He said I was lazy, I said I was young
He said, “How many songs did you write?”
I’d written zero, I lied and said, “Ten.”
“You won’t be young forever
You should have written fifteen”
It’s work, the most important thing is work
(extrait de la chanson “work”)
Parallèlement, une connaissance me demandait de lui envoyer un morceau de moi « triste » et « chanté bas », mais, à chaque proposition, elle me disait “pas assez triste, pas assez bas”.
Lassé, je me suis dit que j’allais lui l’écrire, son morceau.
J’étais en vacances. Au fond, qu’avais-je de mieux à faire ?
Donc en un après-midi, j’ai écrit les paroles et la musique de ghost, je l’ai arrangé, enregistré et mixé. Puis envoyé à ma connaissance, avec un mot qui disait « c’est assez bas là ? » (je ne crois pas pouvoir descendre beaucoup plus).
Seulement, j’avais vraiment bien aimé l’exercice. Et les paroles de Lou Reed me trottaient dans la tête:
“How many songs did you write?”
I’d written zero, I lied and said, “Ten.”
J’étais en vacances. Au fond, qu’avais-je de mieux à faire ?
Alors j’ai décidé d’écrire un album 10 titres en 10 jours. Non seulement de l’écrire, mais également de l’enregistrer intégralement moi-même, à la maison, de tout jouer, de tout chanter moi-même. Ainsi, chaque jour j’écrivais les paroles et la musique d’un titre, je l’arrangeais, l’enregistrais et le mixais. Un titre par jour, pendant 10 jours. Un album complet en 10 jours.
J’ai adoré.
Comme j’avais peu de temps pour chaque morceau (une journée, ça passe vite !), je me suis donné des consignes précises : j’ai gardé l’idée suggérée par ma connaissance : des ambiances sombres et un chant dans les graves. J’ai gardé les mêmes sons de guitares utilisée dans ghost pour chaque morceau (trois en tout). J’ai également gardé les mêmes effets sur les guitares et les voix pour tous les morceaux.
La nuit je cherchais avec ma basse des accords et une mélodie. Le jour je complétais mes idées de la nuit et me mettais au travail.
«Work, the most important thing is work »
Les textes me venaient naturellement en anglais (alors que j’écris depuis 6 ans maintenant principalement en français) et je laissais faire. J’en ai également profité pour utiliser des techniques d’écriture que je ne pratique pas habituellement, telles que la répétition (dans bruises par exemple, où les versets se répètent intégralement) ou des paroles se résumant en une ou deux phrases pour un titre entier (comme dans tricks ou horses).
Je voulais que les morceaux soient présentés sur le disque dans l’ordre chronologique d’écriture, ainsi je tenais compte du morceau écrit la veille pour écrire le nouveau, afin de donner une cohérence au tout dans l’enchaînement des titres.
C’est ainsi qu’au 10e jour, damaged goods était achevé.
Je finis sur un titre (le bien nommé ten) qui conclut l’expérience au sein de cette « lonely room » en disant « don’t worry for me, I’m right where I belong, I’ve just spent ten days writing songs. »
Par la suite, avec mes amis Pierric Tenthorey (photos) et Marc Décosterd (graphisme), nous avons réalisé la pochette, qui correspond bien je trouve à l’ambiance du disque. Les photos ont toutes été prises dans les greniers de mon immeuble (qui sont réellement dans cet état-là).
Parallèlement, j’ai demandé à un autre ami, Marc Champod d’Alzac Studio (Montreux), de s’occuper du mastering des titres. Mais je n’ai pas réussi à me détacher du son des mixs tels que je les avais faits moi-même. J’ai donc décidé de laisser le choix à l’auditeur.
L’album comprend ainsi deux versions des morceaux. La version masterisée réalisée par Marc Champd, et la version mixée telle que je l’avais réalisée le jour même.
Personnellement, même si j’aime la version masterisée, je reste persuadé que ces morceaux devraient s’écouter dans leur version mixée, et, si possible, avec un bon casque. C’est, pour moi, ce qui rend justice au travail de larsens et de « guitares folles » qui traversent l’album, ainsi qu’au traitement des voix.
Quant à moi, d’écrire tout ça, ça m’a donné envie de récouter Songs For Drella…
Cmdt John J. Lewis Catatonik Nagelwäkker Senior
20 juillet 2015 | 20:17
un album de folie.